Nicolas c’est une personnalité qui ne passe pas inaperçue, un caractère trempé. Je ne peux m’empêcher de l’associer à ces acteurs français des années 50\ 60, Lino Ventura ou Jean Gabin. Son regard, son attitude, sa voix, son phrasé annoncent le profil d’un homme qui possède des principes et une philosophie de vie bien déterminée, une éthique. Mais derrière cette posture, un humour, un sourire, qui recherche les échanges avec des interlocuteurs complices.
Nicolas c’est un curieux, friand de savoir le pourquoi du comment, qui se pose toujours la question du « comment ça marche ? ». C’est un esprit analytique. Pour chaque sujet abordé dans une discussion (technique, psychologique, philosophique, historique…), Nicolas trouve toujours par analogie des liens avec son vécu personnel pour illustrer, comprendre et développer chaque domaine de discussion. Et de conclure sur des points de vue tranchés sans pourtant exclure le doute.
Au cœur de nos échanges nous abordons sa vie professionnelle. Je découvre son parcours dans un atelier d’usinage dans la métallurgie. Une foule de témoignages sur sa formation, son apprentissage, sa spécialisation comme tourneur. Ses propos sur le métier, au fil de l’eau de sa carrière, sont toujours mis en abyme avec son point de vue pertinent sur la structure et l’organisation de l’entreprise dans son évolution. Une langue précise tel un historien, un sociologue. Sans oublier ses expériences de la gestion du conflit en milieu professionnel, avec des tensions qui se sont toujours résolues avec Nicolas de façon intelligente et pédagogique. Une résolution du problème sans détour, avec toujours cette pointe d’humour qui le caractérise. Nicolas a un sens politique bien à lui. Sans aucun doute sa hiérarchie a toujours su ce qu’il pensait et l’a respecté pour son sérieux, son talent et son professionnalisme.
A force de recherches numériques et téléphoniques, j’établis le contact avec Delphine Dautecourt, directrice d’un atelier d’usinage à Valleroy, la société SAREM. Je propose un premier rendez-vous à l’entreprise. Delphine me reçoit et me livre de façon détaillée son parcours et celui de l’entreprise, et nous passons à l’atelier pour découvrir les machines. Si ce n’est la différence d’époque, je constate des similitudes et des divergences avec l’univers de Nicolas au sein de son atelier d’usinage de la métallurgie. Delphine est ravie de nous permettre l’accueil de Nicolas afin d’échanger ensemble sur cet univers de la métallurgie avec, en conclusion, la visite de l’atelier de l’entreprise. Tout ceci annonce une rencontre des plus riches. Reste à trouver le bon créneau pour que Nicolas soit disponible, qu’Alice, l’animatrice des Lilas, puisse nous accompagner, que la camionnette des Lilas soit libre et que Delphine, la responsable de SAREM, puisse prendre de son temps pour nous recevoir.
26 Novembre sous un temps gris. À bord du minibus piloté par Alice des Lilas, accompagnés de deux habitantes de l’établissement, mesdames Martins et Tomada, nous roulons vers Valleroy, vers l’atelier de l’entreprise SAREM (Société atelier rechargement et mécanique) où nous attend la directrice, Delphine Hautecourt.
Afin de faire connaissance nous avons décidé, dans un premier temps, de nous réunir dans un bureau. Nous abordons le sujet de la métallurgie au travers de l’expérience et le vécu de Nicolas, confronté à celui de l’identité de cette entreprise artisanale contemporaine.
Tout de go, Delphine et Nicolas se connectent sur leurs profils. Le vocabulaire est précis et nos deux interlocuteurs nous font entendre un dialogue nourri ou chacun sait de quoi il parle. Passionnant !
Nous entendons que Nicolas travaillait dans un atelier d’usine au sein des grands groupes d’antan (Sacilor, SML, Eiffel…), qu’il y a été apprenti et qu’il a cheminé et progressé dans les grades et les compétences pour devenir tourneur sur une bécane hors norme, sa bécane. Des pièces à usiner de 20 tonnes et de 8 mètres de long.
Delphine nous présente son entreprise, une création familiale qu’elle fait perdurer contre vents et marées. Son entreprise est au service des groupes industriels, contrairement à Nicolas qui en faisait partie. Nicolas qui vient de l’époque de la métallurgie versée exclusivement du côté masculin, m’avouera plus tard qu’il a été épaté par la tenue des propos de Delphine, circonstanciés, professionnels et fouillés dans ce domaine de la métallurgie. Nicolas est admiratif.
Nous assistons ici à une conversation qui couvre 80 ans d’un secteur marquant de la région lorraine, la métallurgie et, par extension, la sidérurgie.
Parmi les sujets abordés, celui de la transmission où Nicolas regrette que l’entreprise n’ait pas organisé un passage de flambeau. Peu de temps après son départ, l’inexpérience a fait que son tour fut mis à mal par manque de connaissances. Quant à Delphine, il lui manque de l’engagement de la nouvelle génération, comme dans beaucoup de corps de métiers actuellement. Delphine et Nicolas ont la même ferveur pour ces métiers de la métallurgie dont il faut conserver le savoir-faire. Ils partagent également les bienfaits de la valeur travail. Mesdames Martins et Tomada interviennent également pour évoquer l’univers de l’entreprise dans lequel, elles ou leur famille, ont donné de leur existence.
Après un café et des spritz gentiment offerts par Delphine, c’est parti pour l’atelier !
Le regard de Nicolas se transforme, s’intensifie. L’odeur, le son et la présence des bécanes en mouvement le remettent immédiatement dans le bain. Il s’avance, touche, analyse, questionne. Tous les opérateurs se montrent bienveillants à son égard. Il veut comprendre, savoir dans le détail. On lui répond, lui commente le pourquoi du comment car, fait marquant, point de numérique à son époque. Ça le fascine et tout son passé se rappelle à lui. Sans oublier le tour, d’une taille respectable, qui trône au milieu de l’atelier et qu’il considère avec admiration. Au fond, à droite de l’atelier, un petit tour, simple, mécanique. Voici Nicolas parti à l’actionner, ses mains vont plus vite que son esprit, elles caressent les commandes et le mors de la machine, comme si c’était hier !
De retour aux Lilas nous faisons le point avec Alice, l’animatrice : Un évènement qui a répondu à la personnalité de Nicolas, avec une cheffe d’entreprise qui a su prendre de son temps pour nous entrainer, Nicolas et nous, au pays de la métallurgie.